Être un arbre

Publié le par Antoine




C’est un bel arbre.


Je le regarde et imagine

cent vies avant et après moi.



J’ai envie d’être un arbre.



Quand je pense à l’arbre,

c’est dans son entièreté

que je le vois.

Quand je songe à être lui,

c’est en son tronc

et ses branches que je me sens.



Je ne m’imagine pas feuilles,

frissonnant avec le soleil

et combattant pour ma survie contre le vent.

Je ne me conçois pas racines,

empêtré dans le sombre de la terre

et partager un millénaire avec les lombrics.



Je me suis approché de lui,

nu,

j’ai embrassé son tronc

j’ai laissé l’écorce m’apprivoiser.

Je me suis tu.

Nous avons parlé.



Je suis resté ainsi

des mois entiers.

Engourdi. Endormi.

J’ai vécu les quatre saisons,

contre lui,

la tête enfouie

entre l’aubier et le cambium.

Je n’avais plus de notion de lumière

ni de nuit,

ma peau n’avait plus l’air de peau.



Puis il a accepté que je sois lui.

Le temps d’un tour de cadran.

Que je sois ce tronc et ces branches.

J’avais envie de soleil,

de jour et de nuit,

de vie.

J’avais envie de ce retournement.

Une fois totalement happé,

Je me suis réveillé.



Végétal.



Je me suis senti tiraillé.

Mes racines tenaient fort,

elles tentaient de descendre

plus profond.

Mes branches se faisaient houspiller,

balayées par le vent

Je me suis senti au supplice,

écartelé avec la sensation

de démembrement.

Mes feuilles s’arrachaient

douloureusement

dans une extrême lenteur.

Et la lumière et ce soleil,

que je désirais à nouveau goûter,

me faisaient défaut.

La journée qui s’en suivit

me parut une éternité.

Je ne voyais pas la nuit

passer, j’avais l’impression

de vivre le noir infini.



Puis il est revenu.

J’étouffais, si près de lui.

De la moelle

et du bois de cœur

il m’a repoussé,

j’ai traversé l’écorce

à la manière

d’une branche pourrie

et suis tombé au sol.



Depuis je retourne le voir.

Avant de le vivre,

je l’avais morcelé

et m’étais illusionné

sur sa condition.



Je reste à distance,

je le respecte

et savoure mon état

de contemplation.




La Tour d'Aigues, 12 mars 2009
Crédit photo : Antoine




Publié dans Mes textes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
I
Comme j'aimerais aussi être un arbre ou cet arbre plus précisément...Pour que l'on s'approche de moi, m'embrasse, m'apprivoise, me parle et me fasse vivre tout simplement...<br /> <br /> C'est vraiment magnifique...une délectation à l'état pur...<br /> <br /> Merci !
Répondre